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De la crise politique actuelle

L'illustration que je prendrai ici pourra paraître anecdotique (quoiqu'elle me paraisse tout de même relativement éloquente) au regard de ce que je planifie de développer, pourtant j'ai envie de commencer par poser la question : Pourquoi le Parti Socialiste est actuellement obsolète? Il est inutile de préciser que je ne m'essaierai pas à en donner toutes les raisons, car cela m'amènerait à dresser une chaîne causale qui ne connaîtrait pas de fin et que je n'aurai ni la capacité ni la patience de dresser. C'est  Clément, garçon rencontré cet été en contrée costarmoricaine qui m'a permi sans le savoir de trouver ce point de départ à ma réflexion, grâce à son article sur le sujet.
Le reste est né de ma lecture de Les deux sources de la morale et de la religion de Bergson. Chez Bergson (que l'on me dise si je me trompe), pour que le tout de la société se soulève, il faut que le mouvement vienne des profondeurs. Cependant un tel mouvement requiert une force colossale qui doit ébranler la volonté. Plus que cela elle doit faire voler en éclat la moindre résistance de sorte que tout soit consenti, à la différence de l'obligation  qui doit exercer une pression sur l'individu, suffisamment pour que celui-ci se rende à la règle. Une telle émotion ne peut être l'effet d'une représentation préexistante, sans quoi elle ne serait qu'une agitation de surface. Elle est déjà une cause, elle est première et génératrice de représentations, qui se cristallisent jusqu'à parfois devenir des doctrines. À partir de là si l'émotion me pénètre je ne voudrais pour rien au monde lui résister, et elle portera ma volonté pour finir en représentation explicative dans mon intelligence. Elle résonne ainsi comme un appel, et s'incarne souvent dans une personnalité privilégiée et exceptionnelle qui devient un modèle. La Grèce avait connu ses sages, le bouddhisme ses Arahants, Israël a connu ses prophètes, le christianisme ses Saints. Et chaque fois que l'appel résonnait des foules s'ébranlaient. Mais à une moindre échelle nous avons tous connus une expérience plus ou moins similaire sans nécessairement avoir rencontré l'un de ces Héros au "front éclairé" (dixit Victor Hugo à propos des poètes). En effet chacun de nous s'est déjà demandé ce que telle personne (connue ou inconnue) aurait attendu de nous en une certaine occasion.

Bergson explique cela à propos de la morale, mais il me paraît évident que le principe de pression (obligations de la société qui font planer quelque chose d'impératif sur les individus et qui servent à raviver la flamme d'une émotion perdue) - aspiration (la négation des résistances où tout est consenti et qui permet l'adéquation de l'individu avec le principe même de la vie) est applicable à la sphère politique, au sens où la politique désigne la gestion des affaires publiques, et que par conséquent morale et politique entretiennent un lien indéfectible.
Pourquoi donc traversons-nous une période si sombre politiquement, mais surtout socialement? Le XXe siècle aura été marqué par deux idéologies à la fois dominantes et antagonistes: le capitalisme et le communisme, et chacune d'elles aura eu son lot de figure fortes, et d'autant plus en ce qui concerne le stalinisme au sens où le régime impliquait le culte du chef. On pourra m'objecter qu'il est déplacé de prétendre que le communisme (le stalinisme devrait-on dire, l'idéologie communiste n'a jamais revendiqué l'oppression du peuple) a créé un phénomène d'aspiration alors qu'il a fait peser des pressions colossales sur les individus, ce à quoi je répondrai : "FAUX!" Si le stalinisme fût un despotisme patent, l'idéologie communiste a soulevé les foules et l'exemple de la Révolution Russe de 1917 en sera un exemple éloquent. Il est tout de même extraordinaire que dans la Russie tsariste soit née une émotion si forte et si profonde qu'elle ait réussi à faire naître une idéologie si différente du régime monarchique et autocratique qui existait depuis le XVe siècle, et finir même à terme par pousser le peuple russe à prendre les armes et à renverser un régime plus de quatre fois centenaire. Capitalisme et communisme ont également fait tourner les usines toujours plus vite, ont donné naissance à quantité d'innovations, de technologies et de réflexions pendant des décennies.

Qu'en est-il aujourd'hui? Le communisme a été écrasé pour ne plus survivre que dans le coeur de quelques uns et le capitalisme est désormais si ancré mondialement qu'il étouffe la population entière. Les émotions peinent à germer dans ce monde infertile où même l'émotion écologique est déjà presque entièrement  engloutie par le Capital et son obsession de la culture de l'image. Et ne parlons pas de la démocratie qui peine à exister dans une sphère politique qui n'est ni plus ni moins qu'une industrie.
Aujourd'hui pour faire de la politique il faut être un professionnel, disposer d'un diplôme sans quoi on ne peut exercer une fonction politique. Je ne prétends pas qu'il ne faille aucune compétence pour occuper des fonctions administratives, mais justement un homme politique est un administrateur. La politique n'est pas un métier, une tâche à remplir par des professionnels mais un effort quotidien par tous et pour tous. Aujourd'hui, on nie sans vergogne le capacité de chacun de nous à faire de la politique, de participer à la société. Mais comment une société peut-elle évoluer quand une frange extrêmement minoritaire de celle-ci lui refuse le droit d'y participer? C'est comme vouloir faire du café sans café (construire la société, sans la société).
Aucune émotion ne peut plus germer suffisamment pour soulever nos foules, car d'un côté ceux qui nous dirigent se débrouillent pour rester au pouvoir puisqu'ils ont un intérêt personnel à y rester, et de l'autre côté, une large part de la population a comme intégré que la politique n'était pas de son ressort, que nous n'étions que des veaux qui devions choisir parmi un éventail de programmes politiques en fonction de nos intérêts propres.
Certaines sociétés "primitives" ont compris bien avant nous que si l'on veut un dirigeant (ou une classe dirigeante), il faut que celui-ci n'ait aucun intérêt personnel à occuper cette place, bien au contraire. Par conséquent, le chef d'une telle société se contente d'être le porte-parole de ce que veut la société et ne dispose d'aucun pouvoir sur celle-ci. Et si d'aventure, son avidité de pouvoir et de prestige lui monte à la tête, la société le délaissera ou le tuera carrément. Cela peut paraître absurde au premier abord, mais si l'on désire avoir un chef il faut que celui-ci soit entièrement dédié à sa fonction, presque comme une bête sacrificielle. Or je doute qu'avoir beaucoup d'argent, de pouvoir et une belle femme dissuade quiconque d'occuper une fonction politique.
Pourquoi donc le PS est-il obsolète finalement (puisque c'était la question introductive)? Pour toutes ces raisons. L'insuffisance institutionnelle qui dénature ce que devrait être réellement la politique, l'infertilité émotionnelle d'un monde qui étouffe sous la pression de l'économie de marché nous empêchent de vivre à l'heure actuelle un renouveau politique.

Je reste donc à l'affût de l'appel du Héros tout en sachant bien qu'aucun héros ne peut exister si aucune émotion n'est à incarner. Faut-il espérer que le monde s'écroule pour qu'enfin d'autres émotions puissent germer partout dans ce monde aujourd'hui pollué et stérile?

Références :

- L'article de Yaqov-Eleutherion par ici.
- Les articles de Clément par ici mais également par là.
- L'article de Pierre Clastres paru dans la revue Interrogations en mars 1976 par ici.

Carnets de Voyage

Par glandeur-rockmantique le Mardi 25 août 2009 à 19:57
Dans ma tête, j'en étais resté à cette réflexion quand à l'obsolescence du PS : Le PS n'a plus de socialiste que le nom depuis une grosse vingtaine d'années. Souhaitant toujours s'affirmer en opposition à l'UMP malgré son penchant franchement à droite, il se condamne à ne critiquer les actions de l'UMP que sur la forme sans jamais s'attaquer au fond. Le PS est un second UMP qui ne s'assume pas encore). Il fait pareil, mais en moins bien.
En tout cas, ce que tu racontes est vraiment intéressant et je n'avais encore jamais aventurer mes pensées dans ce coin de ma galaxie réflexion.
Sous le règne grandissant de la pensée unique, gauche et droite, socialisme, communisme, ne sont guère plus que des mots qu'on utilise pour convaincre ou faire peur. Même De Gaule qui n'hésita pas en son temps à nationaliser une des plus grosses banques du pays était bien plus socialiste que le PS aujourd'hui.
Je ne suis pas de ceux qui attendent un hypothétique Héros, convaincus que ces héros se transforment trop rapidement en chefs de guerre, puis en dictateurs (assumés ou non) si le succès vient à leur venir. Mais je crois qu'une émotion reste à incarner : la rage de vivre. Elle manque à ce monde mécanique, et j'aime à l'avoir vu dans la révoltes des grecs il y a quelques mois, dans la destruction sans but des jeunes des cités françaises, mais aussi dans les nouveaux moyens de lutte des ouvriers qui font de plus en plus preuve de poésie révolutionnaire.
Par silverthorn le Lundi 31 août 2009 à 13:16
"Je ne suis pas de ceux qui attendent un hypothétique Héros, convaincus que ces héros se transforment trop rapidement en chefs de guerre, puis en dictateurs (assumés ou non) si le succès vient à leur venir."
Le terme de héros est métaphorique et repris à Bergson, mais dans l'expression "appel du héros", ce n'est pas tant le mot "héros" qui est le plus important, mais bien le mot "appel". Ainsi l'on pourrait reformuler cette expression en un habile jeu de mots : "l'appel du héraut".
Par maud96 le Jeudi 3 septembre 2009 à 23:45
J'ai lu, mais trop de travail pour pouvoir "relire"... Décidément, il devient plus difficile de lire certains articles sur Cow que de suivre des cours en amphi !
Je suis, sur certains points assez d'accord avec ton com sur la vidéo concernant l'extermination des poussins mâles : j'ai été un peu gênée de la mettre à cause de l'association Vegan qui la promeut... Mais peu savent de quoi il retourne... Le paradoxe est qu'avec les "Vegan" les poules seraient une espèce menacée de disparition !
Par Satyrikkk le Mardi 20 octobre 2009 à 22:47
Espèce de monomaniaque de l'interprétation politique des faits culturels, va!
Pour le plaisir, je t'avoue, mais cet article ne fait que me confortée dans ton idée. Je hais la politique.
Par maud96 le Dimanche 25 octobre 2009 à 15:13
Merci pour ton long et savant com... j'y réponds sur mon blog.
Par maud96 le Mercredi 28 octobre 2009 à 18:19
J'ai relu... pour répondre à ton com (merci de la référence concernant Polanski)
Tu penses que seules 2 grandes idéologies ont marqué le 20ème siècle : communisme et capitalisme. Je trouve que le fascisme ne saurait être confondu avec le capitalisme. Il s'agit d'un nationalisme raciste, utilisant toutes les ficelles du capitalisme.
Pour le communisme, l'épisode meurtrier de la dictature Polpot au Cambodge, comme le "tournant" très "capitaliste" de la Chine montre que le modèle de départ du communisme ne résiste pas au bain culturel asiatique.
Bref, je trouve que la classification d'événements historiques sous la seule filiation d'idéologies est un peu simpliste... C'est vrai que les nations protagonistes de cette époque ont eu tendance à se "classer" ainsi, mais il s'agit plutôt d'une fiction politique, une interprétation permettant de rendre "horrible" l'autre camp. Les gens aiment bien partout et à tout propos voir le monde divisé en "bons" et "méchants", même dans leur village ou pays.. et c'est tout bénéf pour les politiciens !
Par silverthorn le Mercredi 28 octobre 2009 à 19:02
Attention je dis "Le XXe siècle aura été marqué par deux idéologies à la fois DOMINANTES et antagonistes", mais tu as raison de le souligner. Comme tu l'as fait remarqué, la plupart des Etats se sont revendiqués au XXe siècle de l'une ou l'autre de ces idéologies, et c'est justement pour cela que j'en prends l'exemple.
Le fascisme n'est bien sûr pas à reléguer au rang des expériences politiques mineures, ses retentissements se feront encore sentir très longtemps, mais si je n'ai pas pris cet exemple c'est qu'il me paraissait plus confus que les autres. En effet comment savoir si on parle du fascisme au sens strict ou au sens tout à fait général? Y intègre-t-on le nazisme ou pas? Capitalisme et communisme n'ont pas encore tellement ce sens systématiquement péjoratif, alors que tout ce qui est aujourd'hui qualifié de "fasciste" l'est. Je ne dis pas que le fascisme est louable, loin de moi cette idée, il me paraît seulement que dans une telle situation la définition de celui-ci est encore plus difficile dans la mesure où on sait encore moins de quoi il retourne.
De plus il me paraît également que le fascisme est à mettre à part en tant qu'idéologie purement utilitariste, en effet, elle n'a existé jusqu'à maintenant que pour servir des intérêts particuliers (ceux d'un dictateur, ou d'une classe etc.), un peu comme une machine à fabriquer du pouvoir, alors que derrière le capitalisme et le communisme se cache quelque chose de beaucoup plus général (en témoignent les théorisations diverses d'Adam Smith à Marx et Engels), avec la définition d'un idéal commun qui passerait soit par un libéralisme complet présupposant une harmonisation progressive de tous les domaines, soit par un communisme égalitaire etc...

Pour finir j'ai envie de dire que de toutes manières chaque Etat a ses particularités du fait de son héritage culturel, des différentes conjonctures, économiques, sociales etc. et de l'alchimie des individus qui le compose, autant de déterminations qui font la particularité de chaque régime politique, cependant je trouve que la distinction Capitalisme / Communisme, est une fiction formelle éminemment utile pour bien cerner justement cette particularité. Si on parvient à qualifier si précisément les régimes actuels, c'est parce-que l'on a réussi à mettre en place des abstractions qui nous aident à penser.
Par Satyrikkk le Mercredi 4 novembre 2009 à 16:05
Non mais tu sais ce qu'elle te dit la Gallinacée?!
Crévindjou!
Par Satyrikkk le Mercredi 4 novembre 2009 à 16:27
T'as l'air d'avoir vraiment envie de te faire voler dans les plumes toi!
Haha, putain qu'elle est bonne.
Par Satyrikkk le Mardi 10 novembre 2009 à 17:31
J'aime poster des commentaires insultants sur tes articles intelligents, pour te remercier de poster des commentaires intelligents sur mes articles insultants.
Et nan, j'pense pas avoir fait de faute, ce que je voulais dire c'est "si je suis prête à faire n'importe quoi" en gros dans le sens, donc ça m'a pas l'air d'être un sacrilège. Enfin, à moins que...
Par parlonspourneriendire le Jeudi 12 novembre 2009 à 0:00
Hey,comment ça va,toi?
Par Tote le Dimanche 22 novembre 2009 à 19:02
(Bon allez, je l'ai accordé à dame Lucie alors ça ne serait pas justice de ne pas faire de même pour vous... surtout qu'on en est encore au tout début, bienvenu dans la liste des cadavres, plus on est de fous, plus on rit !) ;-)
Par Maeva le Dimanche 29 novembre 2009 à 9:25
De l'importance de lire Les Origines du Totalitarisme de Hannah Arendt si tu ne l'as pas déjà fait : c'est exactement ça - du moins me semble-t-il. Si tu connaissais déjà sur le bout de doigts et que ton propos s'en inspire, mes excuses frétillent devant ta grâce et oh, ta restitution me parait clairement effectuée.
Par silverthorn le Dimanche 29 novembre 2009 à 10:08
Non je n'ai jamais lu Hannah Arendt, à part son petit livre "Conditions morales", et quelques textes satellitaires dans mes cours de Terminale. Mais par conséquent ton commentaire me fait d'autant plus chaud au coeur, et pour approfondir mes propres propos et mes convictions intimes, je vais suivre cette lecture que tu me conseilles.
Merci bien.
Par yaqov-eleutherion le Lundi 30 novembre 2009 à 10:02
Pour avoir lu les Origines, je suis à la fois sceptique et curieux quant au lien qu'a pu trouver "Maeva" entre son contenu et cet article...
Par Satyrikkk le Lundi 14 décembre 2009 à 7:55
Heu, un stratagème? Quel stratagème? Tu m'imagines sincèrement élaborer un stratagème??
Par Satyrikkk le Lundi 14 décembre 2009 à 17:45
Ha mais merde!!! Merci de me l'avoir dit, vu que ce n'est plus mon habillage par défaut, j'ai pas remarqué!
J'y remédie à l'instant.
Par SEO CONSULTANT le Jeudi 3 septembre 2015 à 17:46
Je vous remercie pour l'information.
Par serrurier paris 15 convention le Lundi 7 septembre 2015 à 5:33
Excellent article je vous soutient .
Par http://www.photo-retouche.fr le Samedi 9 juillet 2016 à 4:52
Il le tenait à gauche, sous la langue, de telle sorte que l'instrument de verre lui sortait obliquement de la bouche.
Par UGG Pas Cher le Samedi 15 octobre 2016 à 3:45
On ne sait même plus se rencontrer soi-même.
 









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