LA NAISSANCE DE LA TRAGEDIE
Rappelez-vous le spectacle que nous vîmes mon âme, en rêve, ce beau matin d'hiver si doux. La gravité du paysage agonisant sous les coups répétés d'un monde viril où tout se trouve plus bas que terre, aussi bien les ressources que les êtres. Rappelez-vous ce moment de contemplation apollinien où dans l'aube aux doigts de rose, les bras de mer arachnéens succédaient aux monts déchiquetés et nus, où des paysages lunaires de désolation faisaient place à d'immenses mares d'eau croupie tavelées de lames glacées. Et ces hommes postés sur les crêtes de vastes plaies terrestres, par milliers, comme une invasion de parasites pugnaces et inconscients, ces Robinson Crusoë cherchant vainement dans la fange et les entrailles le secours d'une mère, d'une soeur, d'une amante. Au cours d'une crise d'hystérie collective, ils prirent le parti fatal d'abandonner la lecture des auspices pour celle des haruspices et tous se pointèrent du doigt : ce doigt, ce n'était pas celui de la Création d'Adam, l'index fertile, c'était celui de la condamnation.
Puis ce fut aussi vers nous que se redirigea l'exécration publique, cela nous rendit d'abord aveugle mais cela reproduisit en nous le sentiment du chaos sublime, de la destruction créatrice, de l'ouvert béant et vertigineux. L'opprobre était devenu un poison dans la boisson qui aurait dû nous faire sentir l'ivresse dionysiaque et bientôt ce rêve devint une aspiration au néant...
Comme si cela ne suffisait pas, alors que j'écrivais mon article hier, je suis tombé sur cet article du Monde.fr
ainsi que sur le Robinson de Thierry Chabert avec Pierre Richard sur Arte. J'aime les coïncidences qui font sens.
"JE VAIS FAIRE VOLER ET CHANTER ANDOAR"