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Internet rend-il bête?

C'est une question que j'ai vu se poser il y a quelques mois sous l'influence par exemple d'Alain Finkielkraut (dit "philosophe") et notamment grâce à l'article du Télérama à propos de cette question. La question divise, c'est d'ailleurs bien pour cela que le débat est si intense, et l'opposition entre les défenseurs et les détracteurs du Web n'est pas comme on pourrait le croire une opposition entre technophiles et technophobes.
Un des arguments majeurs des défenseurs du Web est ce qu'on appelle la "sérendipité", néologisme datant du XVIIIe siècle et qui sert à qualifier les découvertes inattendues. Par exemple, la découverte de l'Amérique par Christophe Colomb est sérendipiteuse, i.e, complètement fortuite. Internet en cela est le paradis des découvertes fortuites, notamment grâce à l'hypertexte, qui permet de faire des liens directs avec d'autres documents. De l'autre côté on trouve le témoignage de Nicolas Carr qui déclare à peu près cela :

« Ces dernières années, j’ai eu la désagréable impression que quelqu’un, ou quelque chose, bricolait mon cerveau, en reconnectait les circuits neuronaux, reprogrammait ma mémoire. Mon esprit ne disparaît pas, je n’irai pas jusque-là, mais il est en train de changer. Je ne pense plus de la même façon qu’avant. C’est quand je lis que ça devient le plus flagrant. Auparavant, me plonger dans un livre ou dans un long article ne me posait aucun problème. Mon esprit était happé par la narration ou par la construction de l’argumentation, et je passais des heures à me laisser porter par de longs morceaux de prose. Ce n’est plus que rarement le cas. Désormais, ma concentration commence à s’effilocher au bout de deux ou trois pages. Je m’agite, je perds le fil, je cherche autre chose à faire. J’ai l’impression d’être toujours en train de forcer mon cerveau rétif à revenir au texte. La lecture profonde, qui était auparavant naturelle, est devenue une lutte. »
Mon esprit attend désormais les informations de la façon dont le Net les distribue : comme un flux de particules s’écoulant rapidement. Auparavant, j’étais un plongeur dans une mer de mots. Désormais, je fends la surface comme un pilote de jet-ski.
»

On remarque donc que du côté des détracteurs du Net, certains sont même des gros geeks. D'autres non. C'est le cas d'Alain Finkielkraut, aussi philosophe qu'Houdini est serrurier, qui nous fait sur le plateau (internet) d'Arrêt sur Images une belle démonstration de son érudition dans le domaine. On remarquera donc que désormais pour établir des essais grotesques il n'est plus nécessaire de s'être penché sur ce qui fait l'objet de notre étude, on peut y aller de son statut de "philosophe" pour être crédible aux yeux de la populace.
Mon avis sur la question est donc qu'encore une fois les gens s'emportent dans des élucubrations fallacieuses alors qu'internet prend de plus en plus d'importance dans notre vie quotidienne. On nous ressert les mêmes inquiétudes qu'à l'arrivée du téléviseur et de la multiplication des chaînes. Internet est un OUTIL, et comme tout outil, il s'ouvre à différentes utilisations qui peuvent se révéler bénéfiques ou néfastes. Alors NON, internet ne rend pas bête. Au pire, Internet peut accentuer une bêtise préexistante, mais ne peut certainement pas rendre bête comme on choperait la vilaine Grippe A(pocalypse). 
De mon expérience personnelle je retiens en tout cas que je suis persuadé qu'Internet ne m'a pas rendu bête bien au contraire. J'ai de fortes raisons de penser qu'aujourd'hui même je n'aurais pas mon bac en poche avec la mention très bien, que je ne m'intéresserais pas à la philosophie, que je ne me dirigerais certainement pas vers Hypokhâgne, et que ma culture générale serait équivalente à celle d'un ornithorynque mort sur le bord d'une route. Mais Internet n'est pas non plus cette panacée censée élever toute notre population au sommet de la connaissance, il faut seulement arrêter la psychose, on peut très bien lire des bouquins et des articles virtuels en même temps. Je trouve ridicule de dire qu'Internet dénature à ce point la pensée qu'on en arrive à ne plus pouvoir atteindre la pseudo "pensée profonde", qu'on érige du même coup en mythe.

En bref, j'en ai marre que des peigne-cul viennent nous beurrer la raie avec leurs théories pourries uniquement parce-qu'ils ont rien trouvé de mieux que ça pour renflouer leur compte en banque ou accroître leur prestige personnel! Allez chier dans une fiole on verra après!

Mise à jour : Cet article est une manifestation d'humeur et aborde donc de manière assez médiocre le problème, voilà pourquoi je recommande la lecture des commentaires, qui me semblent largement plus satisfaisants quant à la réponse à donner à la question.

Carnets de Voyage

Par yaqov-eleutherion le Jeudi 9 juillet 2009 à 21:41
Finkielkraut est philosophe, je te le confirme, il n’a que peu avoir avec Béa Shell et le Comte de Sponge-ville. Il a une vraie pensée, continuatrice de celle de Hannah Arendt et d’Emmanuel Lévinas. Après, je concède qu’elle transparaît vraiment difficilement sur les plateaux télé ou radio, parce que ce ne sont pas là des lieux d’exposé où une pensée peut être restituée dans sa complexité : dans les (si j’ose dire) «médias immédiats» comme ceux-là, il faut que ça fuse, que ce soit dit en court, en bref (avec le présupposé idiot qu’une réflexion philosophique peut être communiquée de la sorte).

D’ailleurs, je trouve que l’extrait qu’«Arrêts sur Images» diffuse sur Dailymotion est absolument merdique, débordant de pathétisme. Dans la forme même, c’est déplorable : deux séquences tronquées n’importe comment, qui doivent probablement correspondre aux deux meilleurs moments de prises de becs de Finkielkraut avec les journalistes en présence. Et en l’occurrence, je me hasarderai à présumer que ces derniers l’ont fait venir expressément dans ce but. Les positions pessimistes de Finkielkraut sont de notoriété publique sur la société de l’hyperconnection et de l’hyperinformation, et il y a mieux pour parler sereinement de la chose : Joël de Rosnay, par exemple. J’ose espérer que ces journalistes n’étaient pas désinformés de la chose (la désinformation, comble du journaliste), ils n’ont pas pu inviter Finkielkraut dans l’espoir qu’il éclaire les auditeurs au sujet d’Internet. Et s’ils ne comptaient pas dès le départ lui rentrer dedans à l’antenne, ils ne l’auraient évidemment pas invité. Enfin tout ça est une chose très fréquente dans le milieu ; un excès de l’honorable exigence de débat – excès du au fait qu’en plus d’informer, les journalistes veulent filer du croustillant (la guerre de l’audience étant pour eux une guerre pour la survie).

Sur le contenu : le journaliste a raison en disant « Internet n’existe pas ». Il est souvent salutaire de démonter les abstractions personnifiées.

Quant la question directrice de ton article, je pense que le fait de ne plus pouvoir «lire profondément» est du à la culture de l’image. Aujourd’hui, on «reçoit» sans arrêt un tout qui est déjà mis en images, puisque l’image est immédiate contrairement au texte (et ça, la publicité l’a bien compris). Le problème est que ce culte de l’immédiateté nous déshabitue de l’effort personnel de décodage et d’«image-ination» du non-imagé. La difficulté moderne de lire est aussi un problème d’habitude : comme dit Aristote, «c’est en agissant vertueusement qu’on devient vertueux» (origine et variante philosophique du proverbe avec la forge). Mais la compréhension profonde ne peut survenir que dans le calme et la durée ; elle est donc impossible à ceux qui n’ont pas le temps de se poser, qui sont sans cesse avides de mouvement (même être assis devant un PC peut s’avérer une forme de constante intensité via un surf frénétique sur le Net). Il suffit d’éteindre le PC et de se remettre à lire, patiemment, et la compréhension profonde revient. Mais je crois que même une chose aussi simple est devenue une épreuve pour certains (pas la majorité heureusement, enfin j’espère).

Comme toi, je dois à Internet une part de ce que je suis intellectuellement. Je suis contributeur sur Wikipédia depuis deux ans et je trouve ce site formidable, tant par mes relations virtuelles avec les autres contributeurs que du fait de l’idée même que recouvre toute cette activité : la construction d’un temple universel du savoir, traduit dans toutes les langues du monde, où chacun peut apporter sa pierre à l’édifice. Donc oui, je te rejoins : il n’y a pas que de la merde sur Internet, et après, c’est une question d’usage. On offre 300 euros à des baufs et 300 euros à des gens un peu plus fins, l’argent ne sera pas dépensé de la même façon. C’est pareil pour Internet. C’est comme l’argent, un outil. Tu le dis fort justement : un outil qui ne porte pas en lui, tel la marque du péché originel, le vice préexistant des mauvais usages qu’on peut en faire.
Par silverthorn le Vendredi 10 juillet 2009 à 12:52
Ce que je reproche à Finkielkraut, n'est pas sa pensée (que je ne connais absolument pas), mais je trouve quand même assez limite d'aller dire qu'Internet est une poubelle, alors qu'il semble désinformé (lui aussi) sur le sujet. C'est uniquement ça qui me fait dire que du coup il apparaît comme un philosophe de comptoir qui s'essaye à tous les sujets sans en avoir l'expérience ou une certaine connaissance (ce que je fais aussi en jugeant son statut de philosophe, je le reconnais. Le traiter de peigne-cul est un peu fort, mais c'était un qualificatif pour désigner un groupe plutôt que lui personnellement.). Son approche ne me semble pas du tout philosophique, et je ne me base pas uniquement sur le bout de vidéo, mais sur certains articles que j'ai pu lire il y a quelques mois, et par conséquent j'ai juste envie de lui dire de retourner à ses sujets de prédilection, ou d'aller se plonger un peu plus sur le problème avant justement de nous servir sur un plateau ses théories phobogènes.
Alors il est vrai que le montage d'@si n'est pas du tout représentatif, mais je pense tout de même que l'émission en elle-même vaut le coup d'oeil, on n'est pas non plus à "On n'est pas couchés". Le problème vient surtout du fait que Daniel Schneiderman et toute son équipe réagissent avec passion au sujet car ils ont su se trouver un auditoire réceptif et actif sur Internet, ils lui doivent beaucoup, d'où leur propension à s'énerver en plateau. Je ne crois pas que ce soit dirigé en particulier vers Finkielkraut.

Je ne remets pas en cause non plus les conséquences néfastes de la culture de l'image, mais Internet n'est pas qu'imagerie, il y a énormément de texte justement, ou peut être est-ce moi qui privilégie tout ce qui est textuel.
Ce qui m'énerve profondément c'est cette tendance à la généralisation qui me semble tout à fait ridicule et irrationnelle. On a l'impression qu'ils sont en train de dire "Brûlez vos ordinateurs, vous allez devenir bêtes comme on chope le typhus". Dans tout ce que j'ai lu à propos de ce débat, du côté des détracteurs du Net, je n'ai pratiquement jamais entendu de nuance, personne ne souligne le fait qu'Internet en lui-même n'est pas un problème, mais que c'est son utilisation qui le rend problématique.
Par Raison-et-sentiments le Lundi 13 juillet 2009 à 9:40
Très intéressant ton article et j'ai trouvé très ...hum... Je ne trouve pas de qualificatif pour l'extrait quetu as mis de Carr. Parce que Mr n'arrive plus à se plonger dans un livre c'est à cause d'internet... laissez-moi rire. Je pratique internet depuis la troisième, ce qui doit faire 5 ans maintenant et je lis toujours autant. Ce n'est pas parce qu'il n'arrive plus à lire que... enfin bref je trouve cela juste absrude. Et je suis bien d'accord, internet c'est bien notament pour parler avec des gens qui pensent ou ne pensent pas comme toi. S'il n'y avait pas internet je n'aurais pas pensé à emprunter ou acheter la moitié des livres qui sont dans ma bibliothèque.
Par Satyrikkk le Jeudi 16 juillet 2009 à 7:37
Sans citer de philosophes ou sans m'appuyer sur des dits (j'en suis incapable), je sais que par rapport à mon expérience personnelle, je n'ai jamais été autant ouverte à la culture que depuis que j'ai internet. Je ne dis pas que la Toile ô combien vénérée m'a sauvé la vie (mon Q.I se rapportant toujours plus ou moins à celui d'une moule en plein effort) mais m'a largement plus incitée à la découverte, a développé ma curiosité, et je trouve que ce n'est quand même pas rien. Internet n'est pas plus abrutissant qu'un livre ou un jeu-vidéo, tout dépend l'usage que l'on en fait.
T'façons les gens c'est tous des vieux cons!
Par pandorarts le Lundi 20 juillet 2009 à 9:21
Chaque outil à disposition de l'homme dépend de l'utilisation qu'il en fait pour que cela lui soit néfaste ou pas.
Pour rester dans ton exemple, Internet a eu le mérite de m'aider à m'améliorer en écriture, de me permettre de découvrir diverses choses, et cela peut paraitre stupide pour certains mais de rencontrer ma meilleure amie et mon meilleur ami.
Il a certains inconvénients que j'essaie d'apprendre à contrôler, mais le naturel revient toujours au galop, c'est bien dommage.
Si certains hommes n'avaient pas eu l'idée d'en faire une arme, le nucléaire serait utilisé tout autrement, voilà un très bon exemple pour appuyer l'idée que l'outil ne fait pas le tout, mais qu'il s'agit bel et bien de son utilisation.
Par maud96 le Mercredi 22 juillet 2009 à 19:24
Un article qui pose une question intéressante (en toute modestie (!), les questions "intéressantes" sont celles que je me suis déjà posées). Et si je déteste Alain Finkielkraut, j'aime bien ce qu'écrit Nicolas Carr : parce que je crois avoir déjà ressenti celà. C'est sans doute dans le temps consacré à un seul auteur (souvent à son imagination) au lieu de consacrer le même temps à lire divers auteurs de diverses sources (ce que permet Internet) qu'on doit parfois ce sentiment que de se "plonger" dans un seul livre ou auteur c'est risquer de perdre son temps. Sentiment que je n'éprouvais jamais avant...
Mais j'adhère à ce que disent pandorarts, satirikk et les coms précédents : Internet me permet l'ouverture à des tas d'opinions ou oeuvres d'art qu'il m'aurait fallu un temps infini pour trouver ou connaître.
Par silverthorn le Jeudi 23 juillet 2009 à 13:15
Mais sur le fond je pense que nous sommes globalement tous d'accord : Internet nous oblige à avoir une activité cérébrale très dispersée et une lecture qui survole souvent trop, si bien que l'on supporte peut être plus difficilement les passages qui peuvent nous ennuyer dans une oeuvre complète.
Il n'est plus vraiment à prouver que le cerveau (même adulte) est doté d'une incroyable plasticité et que celui-ci s'adapte à la façon dont on le sollicite, mais diriger l'opprobre vers internet est encore une fois trouver un bouc-émissaire à quelque chose de finalement beaucoup plus vaste. À côté d'internet il FAUT ABSOLUMENT garder des lectures complètes, mais le problème est exactement le même avec la Télévision. Quand bien même la télévision serait moins affligeante et serait un puit de culture digne des plus hautes louanges (mouahaha), il n'en reste pas moins qu'elle serait également fragmentaire, et qu'il faudrait nécessairement continuer à lire des bouquins à côté. Mais même le livre en lui-même n'est pas suffisant, il faut à côté prendre part à des discussions, des débats.
C'est ça qui m'énerve profondément, c'est qu'on ne prenne pas en compte le fait qu'aucune activité intellectuelle spécifique ne se suffit en elle-même, qu'il faut savoir sans cesse diversifier les approches, savoir se rendre audience parfois comme devant la télévision, en lisant un livre, ou en écoutant la radio, mais aussi savoir se rendre acteur, comme dans des débats ou sur internet.

Il est pour moi fondamental de comprendre cela sans quoi soit on fera un mauvais usage de tous les outils futurs qu'on mettra à notre disposition, soit on refusera tout nouvel outil de peur qu'il en soit fait mauvais usage. Et encore une fois, on peut difficilement prendre les gens par la main pour leur dire "Ne mettez pas vos enfants devant Internet ou la télé toute la journée, faites-leur apprécier la lecture etc..."
Par maud96 le Vendredi 24 juillet 2009 à 11:43
De toutes manières, on fonctionne de plus en plus en faisant plusieurs choses à la fois : parfois, je réponds aux coms sur ordi en tournant la télé vers moi le soir tard (elle est sur un plateau pivotant), et en ce moment, je te réponds en écoutant les grandes gueules discuter la loi sur le travail le Dimanche. Le pire, ce sont les cyclistes qui roulent en ville avec leur Ipod dans les oreilles : ils sont sourds et dangereux !
Travail parcellaire ou partagé entre plusieurs occupations, impression de faire un peu de tout et surtout beaucoup de riens, à mon avis, c'est un mode de vie assez addictif mais qui laisse insatisfait de soi...
Par silverthorn le Mardi 25 août 2009 à 16:26
Voilà qui semble appuyer ce qui a été dit précédemment. Même si je commence à me méfier du pharmakos grec à force de le retrouver appliqué trop souvent à n'importe quoi pour justifier justement n'importe quoi, il me semble qu'ici il est clairement utilisable.

Il est indéniable que notre intellect est dorénavant bouleversé par l'ère numérique, et comme tout bouleversement il entraîne certains vers l'abyme de l'ignorance (en poussant à l'extrême la superficialité des connaissances, ainsi qu'en véhiculant quantité d'informations fausses, qui, si elles ne sont pas maîtrisées pourraient très vite infester de manière irréversible même les ouvrages futurs les plus savants) mais ouvre d'incroyables perspectives de création en faisant la part belle à ce qu'on appelle parfois à tort dans certains domaines "l'amateurisme" tout en brisant un professionnalisme qui, porté par une industrie de marché, ne cesse de se gargariser de sa médiocrité patente.

Merci du signalement ;)
Par pelote le Dimanche 13 septembre 2009 à 20:29
Article et commentaires très intéressants ! A vous lire, on ne peut pas imaginer un instant qu'Internet puisse favoriser une quelconque déchéance intellectuelle. Je suis un peu impressionnée par la qualité d'expression et les nombreuses références de certains. Une chose qui revient en défaveur de cette suspicion abrutissante, c'est cette idée que l'espace virtuel permet un meilleur accès à une foule de connaissances très diversifiées. Pourtant, je me demande si c'est à ça qu'est sensible (que se joue) la qualité d'une intelligence ou d'une bêtise. Parce que le savoir, aussi immense soit-il, me paraît aussi être un outil, et pas nécessaire une fin en soi.
Même si je ne suis pas forcément "d'accord" avec ce qu'il dit dans le fond, j'ai bien aimé la citation parce qu'elle souligne la tendance du il-faut-que-ça-aille-vite et l'habituation à la sur-stimulation cognitive. Et puis aussi, je crois qu'il évoque de quelque chose de très important, c'est la disponibilité, la réceptivité, la capacité à accueillir un texte, pas seulement les connaissances proposées dans ce texte mais (et peut-être surtout) le raisonnement qui les relie. On peut lire énormément, des essais de grands auteurs et des romans reconnus comme Littérature et Poésie de prestige, et pour autant, ne pas réussir à se saisir de ce tremplin pour mettre en mouvement sa pensée. Monochrome.dream disait quelque chose d'intéressant dans son article sur la lecture et le silence, sur l'audace d'écouter sa pensée. Ce n'est pas si évident que cela, et ouvrir un livre n'y suffit pas. (D'ailleurs, je ne saurais pas forcément bien l'argumenter, mais à mon sens, un lecteur peut être clairement acteur, d'une sorte de duo, bien moins passif qu'un spectateur captivé/captif).
Bon, je me sens un peu bête moi, face à tous ces commentaires si bien élaborés. (Peut-être qu'en ce qui me concerne, mon usage présent d'internet me donne l'impression d'être bête ^^) En tout cas, je te rejoins vivement sur ce que tu disais quant aux multiples sources pour développer la pensée (j'abîme peut-être ton propos ?) et au fait qu'Internet est un outil qui peut s'avérer extrêmement enrichissant.
Mais cette question "Internet rend-il bête ?", c'est formulé de telle sorte que la réponse à cette question formulée ainsi ne peut pas être satisfaisante. C'est ce qui était bien dans tous vos développements, toutes ces questions qui apparaissent, jusqu'alors cachées derrière la formulation initiale qui donne l'impression de céder au "vite fait" pour accrocher.
Par Maeva le Dimanche 29 novembre 2009 à 9:53
C'est comme établir que la vie est absurde ou non absurde, la question posée comme ça n'a pas de réelle valeur - la vie n'est que ce que les gens en font, Internet n'est que ce que les gens en connaisse. Mais je ne développe pas, je pense que vous étiez tous déjà d'accord là-dessus.

J'ai tendance à penser Internet néfaste en terme de rapports humains pour ma part. Je considère, peut-être à tord, que l'intelligence n'est pas stricto-sensu la connaissance et la capacité à appliquer cette connaissance pour la transmettre et la faire évoluer - mais qu'elle est aussi éloquente dans notre manière d'appréhender autrui. Il y a ici, informulé mais planant doucement, une sorte de "Dieu de la connaissance" qui guide nos actions (cybernétaires ou non) et - à l'instar de Nietzsche - oh, je ne pourrais croire "qu'à un dieu qui saurait danser. Quand je vis [ce] Dieu, je le trouvais grave, pédant, c'était l'esprit de la profondeur. On ne tue pas par la colère, mais par le rire !"

Vous me répondrez que le rire afflue sur internet et je vous sourirai que oui, évidemment. Mais la nuance essentielle est tout de même que nous ne rirons pas exactement, que nous ne nous sourirons pas, et que rare sont les geek confirmés à respirer la couleur et l'intelligence de la relation humaine dans les rues. Humainement, je crois (et j'insiste sur le verbe) qu'Internet crée un réel fossé.

Quant aux rencontres entre internautes, etc, quant à tous les "cela m'a permis de découvrir mon meilleur ami, amant, etc.", je l'observe, le concède et m'exclame en levant les mains de façon riante que, oh, heureusement! Mais la plus part du temps le rapport à l'autre se trouve quand même un tantinet faussé aux premiers abords et ne nous invite pas à véritablement "communier" (diantre, ce terme est laid comme un canard paraplégique au dernier stade). Du moins, internet a souvent tendance à réduire ou dévier cette intelligence relationnelle dans le sens physique du terme relation, poil au citron.

(Le numéro de Books consacré à Internet rend-t-il plus bête était réellement passionant, également - mon nez de frétiller de curiosité en le déchiffrant)
Par Maeva le Dimanche 29 novembre 2009 à 10:09
(quant à tout ce qui permet le pure relationnel virtuel;)

"Dans [l'amérique moderne] la conversation est instantannée mais elle est insignifiante. Qu'avons nous perdu? L'art de la conversation, l'art de la correspondance, en un mot l'art de la présence [...] Perte d'intensité, perte de vrai contact, perte de ce sens aigu del'ici et du maintenant qui était l'essence même de l'épicurisme. La technologoie nous permettant de fonctionner avec le corps dans un endroit et avec l'esprit dans un autre, nous devenons de plus en plus indéffiérents aux lieux et aux êtres qui nous entourent. (Pire, nous les méprisons.]" Nancy Huston - Dolce Agonia
Par silverthorn le Dimanche 29 novembre 2009 à 10:57
Je répondrai aux deux commentaires à la fois ;).

Je tiens immédiatement à préciser que ces deux commentaires, et celui de pelote juste avant, s'inscrivent pour ma part dans une évolution de l'appréhension de la question, j'ai aujourd'hui dépassé le pur stade répulsif de la question, lié à sa formulation incroyablement horrible.
Cette évolution je l'attribue justement à ce qui est très bien distingué dans le premier commentaire : la connaissance comme bagage insignifiant (au sens strict du terme) ou la connaissance comme rapport à soi et à autrui. J'ai le sentiment, et puisque l'on fait allusion à Nietzsche, que cette distinction va de pair avec ce qu'il a dit et qui se résume (pardon pour l'imprécision, voire même les erreurs occasionnées) en un : dites-moi quelle est la pensée d'un philosophe et je vous dirai qui il est. Sous entendant par là que tout génie (les hommes géniaux étant définis comme êtres "dont la pensée est active dans une direction unique, qui utilisent toutes choses comme matière première, qui ne cessent d'observer diligemment leur vie intérieure et celle d'autrui, qui ne se lassent pas de combiner leurs moyens philosophiques.") philosophique est exactement représentatif de la manière dont vit le philosophe en question.
Finalement, si je m'accorde à dire qu'internet peut occasionner dans le domaine relationnel des déformations dangereuses, dont nous sommes tous victimes, je désire encore une fois, au risque de me répéter, souligner la nécessité de ne pas fataliser la question, de ne pas la présenter comme indépendante de nous.
Par Maeva le Dimanche 29 novembre 2009 à 12:44
(conséquemment, mon visage emprunte l'air serein qui accompagne la lecture d'une question verbalement clarifiée)
Par Ally ex lacassepied le Samedi 17 avril 2010 à 14:39
Internet permet les raccourcis, et bien souvent les raccourcis favorisent les erreurs de jugement. Il faut juste savoir utiliser cet outil complexe. Nous (je) avons besoin d'aller vite, nous manquons de temps, avons besoin d'être performants... et les erreurs se multiplient à cause d'Internet.

Avons nous le temps de lire toute la presse ? Non alors on en lit des résumés, du condensé et faisons confiance à des personnes peu fiables ! Là est l'erreur.
Par Bureau.Des.Plaintes le Mardi 11 janvier 2011 à 23:17
Il est anodin (et important) de trouver un blog tel que le tien dans une sphère un peu plus enlevée et moins concernée. Bravo.
Par silverthorn le Mardi 11 janvier 2011 à 23:32
Un blog dans un bel état de jachère, mais qui se rappelle à mon esprit à chaque fois qu'une bonne âme tombe par hasard ici. Un jour, peut-être je reprendrai.
Par http://www.escrime-arbois.fr le Samedi 9 juillet 2016 à 4:52
Il le tenait à gauche, sous la langue, de telle sorte que l'instrument de verre lui sortait obliquement de la bouche.
Par UGG Pas Cher le Samedi 15 octobre 2016 à 3:45
On ne sait même plus se rencontrer soi-même.
 









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