J'aimerais revenir sur le mini-séisme politique engendré par des propos d'Eric Besson, nouveau Ministre de l'Immigration (il s'y connaît en immigration, il est passé de la terre socialiste à la terre sarkoziste avec pour tous papiers, une cotisation et une carte à l'UMP) qui a déclaré que l'Etat procurerait à tout immigré un titre de séjour de 10 ans si celui-ci dénonce son passeur. La dénonciation constituerait un "devoir républicain" selon le Ministre. En effet, il fut un temps, sous la France Pétainiste ou ailleurs dans la multitude des totalitarismes qui eurent cours dans le monde entier où la dénonciation fut un devoir à rendre à la Patrie.
Alors forcément, tous les journalistes se sont emparés de cette phrase, faisant ainsi réagir le coloscope de tous les trous du cul du monde, j'ai nommé Frédéric Lefebvre, Porte-Parole de l'UMP de sa fonction, souvenez-vous, celui qui ne sait pas ce qu'est le Web2.0 alors qu'il était préssenti futur secrétaire d'Etat à l'économie numérique. Celui-ci déclare donc dans un communiqué au Parisien que ceux "qui confondent délation et dénonciation, je les invite à regarder le dictionnaire. [...] Si la délation est condamnable car se faisant au détriment de gens honnêtes, la dénonciation est un devoir républicain prévu dans la loi et permettant de lutter contre les délinquants". Là, où ce trou du cul a raison (pour ces insultes, je pense que je vais directement finir dans EDVIGE) c'est qu'il ne faut pas confondre délation et dénonciation.
En effet les deux termes diffèrent sur quelques points, la dénonciation est faite au nom de la loi et serait donc "honorable", ce serait pour celui qui dénonce l'acte de juger des faits comme répréhensibles et d'en alerter les autorités. La délation porte sur un opportunisme de la part du délateur qui cherche un certain profit àla trahison qu'il opère. La définition dit ceci à propos de la délation : " Elle consiste généralement en un échange d'information rémunérée au délateur" .
Or, dans la définition de la dénonciation (suivez bande de lents!), il est dit que "Comme le témoignage, la dénonciation est un acte ambivalent et qui en appelle à la responsabilité du dénonciateur. En effet, une dénonciation peut être directement calomnieuse pour se réduire à la délation. Comme le témoignage, la dénonciation pose une question d'éthique".
Si nous remettons tout ça dans l'ordre, la dénonciation est sujette à certaines dérives qui peuvent la transformer en délation. Or ici, cette "dénonciation" serait totalement motivée par l'espoir d'obtenir un titre de séjour de 10 ans. Les immigrés en question qui pour beaucoup jouent leurs vies (et la perdent malheureusement trop souvent) sur leurs entreprises d'émigration chercheraient donc à mettre toutes les chances de leur côté en dénonçant leurs passeurs. N'est-ce donc pas dénaturer "l'honorable dénonciation" que de la rémunérée si fortement? N'est-ce pas lui donner des airs de délation pure et simple?
Dans une situation pareille, je serais le premier à oublier toute notion d'éthique, sachant que la rémunération n'a jamais rendu les moralistes plus sincères. Imaginez-vous un peu, immigré cherchant une terre d'asile sur laquelle vous établir, constamment sur le fil du rasoir, vous embarassant de considérations éthiques : "Ah non non non, je préfère encore rentrer dans mon pays pour ratisser la bouse et torcher le cul des poules plutôt que de calomnier mon passeur". Quand on pense en plus que dans certains pays la notion d'éthique n'est pas la première des préoccupations, on se demande comment un pécore lambda de je ne sais quel pays sous la dictature depuis qu'il est né pourra développer comme ça, d'un claquement de doigt ou peut être au contact de l'air salvateur de nos contrées françaises (qui ont des vertues je vous l'assure, le nuage de Tchernobyl a toujours contourné nos frontières), toute une batterie de notions éthiques
Beaucoup d'autres questions se posent. Que faisons-nous des ces familles partagées entre le danger d'être expulsés à tous moments et les représailles auxquels elles s'exposent en dénonçant leurs passeurs? C'est la peste ou le choléra dans ce cas-là. Que se passera-t-il à l'issue de ces 10 années de séjour? L'immigration en France est désormais CHOISIE, si un DELATEUR ne correspond pas à l'issue de ces dix années, au profil recherché dans les procédures normales en application pour tout immigrant clandestin, on fait quoi? On le remercie pour ses bonnes et loyales dénonciations (pour garder l'euphémisme) et on le renvoie dans son pays? Si ce n'était pas l'intention du Gouvernement, pourquoi ne donnerait-on alors pas aux délateurs des papiers à vie?
Et comme on me l'a aussi gentiment fait remarquer, comment cela se passe-t-il si c'est toute une famille qui débarque sur notre cher sol français? C'est le premier à parler qui obtient le titre de séjour ou alors on régularise toute la famille? Nan parce-que sinon c'est pas très cher, on installe un système du style Question pour un Champion, sauf qu'on remplace Julien Lepers par Eric Besson (ou un flic) et que les perdants, au lieu de repartir avec des manuels de cuisine repartent avec un coup de pied au cul avec un détour en case "centre de rétention" avec au menu ce soir un grain de riz pour le somalien et de la farce pour le congolais histoire qu'il se la fourre bien profond.
Alors, Monsieur Lefebvre, si vous me lisez (oui j'avoue, c'est ridicule comme supposition, mais vous savez, avec le Web2.0 sur lequel il n'aura pas manqué de s'informer, tout est possible), avant de tenter de fureter par le biais des définitions en jouant la fausse subtilité, sachez que les définitions sont parfois plus subtiles qu'un bureaucrate (de l'UMP de surcroît!) qui se croit le pourfendeur de toutes sortes de polémiques!